Pour une intelligence artificielle créatrice d’opportunités
Directeur du LIUPPA (Laboratoire d’informatique de l’UPPA), coordinateur de la chaire industrielle Open CEMS en partenariat avec la Communauté Pays Basque, la région Nouvelle-Aquitaine et Bertin Technologies, le professeur Richard Chbeir revient sur les enjeux liés au développement de l’intelligence artificielle.
Comment définissez-vous l’Intelligence Artificielle ?
Il existe de nombreuses définitions possibles. Pour ma part, il s’agit d’être capable, à partir d’algorithmes, d’apprendre pour apporter une nouvelle information ou une nouvelle connaissance à l’utilisateur. L’Intelligence Artificielle sert à associer des données brutes afin de construire de l’information utile et une connaissance qui a plus de valeur.
Le problème aujourd’hui, c’est que l’on travaille sur l’Intelligence Artificielle sans se préoccuper des conséquences et de ce que l’on est capable d’en faire.
Quel est le principal risque associé à l’Intelligence Artificielle ?
Que l’on remplace l’homme par la machine. Aujourd’hui, tout le monde fabrique des systèmes numériques pour remplacer le raisonnement de l’homme par des algorithmes. Et ça marche ! Prenez le cas d’Amazon, qui a automatisé le fonctionnement de son entreprise en remplaçant des hommes par des machines. Aujourd’hui, ce modèle est copié dans d’autres domaines, mais à quel prix ? On aboutit à des systèmes qui fonctionnent très bien, qui génèrent beaucoup de profits mais qui sont entièrement dépourvus d’humanité.
Les machines peuvent-elles réellement remplacer l’homme ?
C’est déjà le cas. Au Japon, une chaîne de restaurant est robotisée à 100%. Dans le domaine médical, des tests ont été réalisés sur l’utilisation de machines pour faire des diagnostics d’entrée dans les hôpitaux. Elles feraient moins d’erreurs que des médecins !
Au fur et à mesure, l’autonomie des machines va se renforcer. Aujourd’hui, elles raisonnent sur des données, mais elles seront bientôt en mesure de s’autoprogrammer, c’est à dire d’apprendre des programmes pour en faire de meilleurs. A terme, l’intervention des informaticiens deviendra inutile.
Faut-il donc freiner l’usage de l’Intelligence artificielle ?
Il faut surtout travailler autrement. Depuis 12 ans, je milite pour que l’on fasse différemment, que l’on réfléchisse à une Intelligence artificielle qui n’efface pas l’homme mais lui crée des opportunités. L’intelligence artificielle n’est pas bonne ou mauvaise en soi. Elle dépend de ce que l’être humain en fait. C’est pourquoi je parle d’écosystème numérique. L’enjeu est de développer des solutions qui permettent d’améliorer les conditions de travail de l’homme, pas de le remplacer.
Je vous donne un exemple : réfléchir à une messagerie plus humaine. Aujourd’hui, nous sommes submergés d’emails, que l’on prend beaucoup de temps à traiter. L’Intelligence artificielle pourrait nous aider, en respectant nos préférences et en imposant des contraintes, comme le fait de ne pas recevoir de message le week-end ou pendant les vacances.
Cette intelligence artificielle plus éthique, rentre-t-elle dans les objectifs de la chaire Open CEMS ?
Oui, bien sûr. La chaire Open CEMS vise à proposer des solutions informatiques pour mieux collecter les données dans un environnement connecté. Par exemple, nous travaillons sur les smart grids, les micro-réseaux électriques. On peut les rendre plus intelligents grâce à la collecte et l’analyse des données. Mais il faut aussi se poser la question de l’usage et de la protection de ces données collectées.
Au sein de la chaire, nous collaborons avec la start-up Elqano, qui travaille sur le partage de connaissances et d’informations au sein d’une entreprise. Nous leur apportons des algorithmes d’intelligence artificielle pour, par exemple, mieux distribuer la requête de demande d’information entre les salariés. Dans ce cas, l’Intelligence artificielle sert à connecter les êtres humains entre eux et à faciliter le travail de chacun.
Ce que nous visons avec la chaire, c’est de créer des solutions pour répondre aux besoins des entreprises en matière numérique, en leur apportant conseil, analyse et développement d’algorithmes. Le LIUPPA associe 60 personnes qui travaillent sur des sujets de pointe, en collaboration avec d’autres institutions au niveau international. Il faut que les entreprises du territoire s’emparent de cette opportunité.
L’IA se déploie à Izarbel
A Bidart, le site technopolitain Izarbel accueille plus de 110 entreprises du numérique de pointe. Parmi elles, des pionniers de l’Intelligence artificielle, comme Hupi. Créée en 2012 la start-up s’est fixée pour mission d’aider les PME et ETI basques à profiter des avantages liés à l’exploitation des données numériques. Elle a ainsi développé une plateforme technologique qui lui permet de proposer des solutions logicielles sur-mesure, comme des assistants virtuels qui aident à la prise de décision complexe. Parmi ses réalisations, un module d’intelligence artificielle pour aider des techniciens en intervention sur le terrain ou encore un système de maintenance prédictive de pannes dans l’industrie.
Faciliter le quotidien des personnes est également l’objectif d’Elqano. La société conçoit, développe et commercialise un logiciel SaaS de gestion des connaissances à direction des entreprises. il utilise plusieurs algorithmes d’intelligence artificielle et de Machine Learning afin de réduire le temps nécessaire aux employés pour trouver les informations dont ils ont besoin.
QuantsUnited apporte une solution d’intelligence artificielle pour les marchés financiers. La start-up, fondée par d’anciens physiciens théoriciens en physique des particules reconvertis dans l’intelligence artificielle, a développé une plateforme permettant d’analyser les conditions de marché dans lesquelles une stratégie de trading fonctionne de manière optimale. Elle permet ainsi de réduire les risques et d’augmenter les performances en « quantitative trading ».