Lopitz et Bastidarra, la réussite industrielle à taille humaine
« On ne met pas tous nos œufs dans le même panier ! » Hubert Candelé et Mathieu Pourrillou citent le même dicton. Venant d’un fils d’agriculteurs, cela relève presque de l’évidence, pour un ingénieur sorti des rangs de l’ESTIA, un peu moins… Pourtant, le fondateur et directeur de la laiterie artisanale Bastidarra, et le co-fondateur et directeur général du groupe Lopitz, spécialisé dans l’aéronautique et la pétrochimie, partagent le même bon sens quand il s’agit d’évoquer la réussite et la diversification de leurs activités.
Créé en 2002 par Pierre Pourrillou et son fils Mathieu, Lopitz s’appuie sur ses solides racines souletines - le cœur de l’activité se situe à Mauléon - et ses compétences dans l’industrie aéronautique. Le savoir-faire de son entreprise Spi Aéro et de son antenne portugaise dans le traitement de surface, la protection des pièces et la peinture est reconnu par des donneurs d’ordre comme Airbus, Dassault, Safran, Liebherr, Bombardier… Mais le groupe n’a pas été épargné par la crise sanitaire : son activité aéronautique a chuté de 30 %. Un trou d’air absorbé grâce aux dispositifs du plan de relance de l’Etat. « Cela nous a permis de continuer à investir et de pouvoir préserver la santé financière du groupe, souligne Mathieu Pourrillou. Puis nous avons eu des perspectives rapides de diversification sur les marchés de l’hélicoptère, nous avons pu rebondir. Mais l’aéronautique, qui représente la moitié de notre activité, est cyclique et connaît des crises. Pour un groupe familial comme le nôtre, la diversification est fondamentale. »
« Attachés à notre territoire »
Ainsi, sur les autres sites du groupe à Mauléon, Ertech Industries réalise des débitmètres pour les grands comptes de la pétrochimie et Ekhi Elec est spécialisé dans l’assemblage de composants électroniques. Lopitz, via sa filiale Habitat à Tarnos (serrurerie, métallerie), se décline également sur le marché de l’immobilier. Et il ambitionne désormais de se faire une place sur le marché du cycle et de la mobilité grâce à l’antenne paloise d’Ertech, dédiée à la fabrication métallique industrielle.
« Nous avons des projets pour tous nos sites, se réjouit le directeur général du groupe. Nous espérons augmenter notre chiffre d’affaires, qui a atteint 18 millions d’euros en 2021, de 20 à 30 % dans les deux années à venir. La croissance, c’est aussi de l’embauche et nous avons besoin de main d’œuvre ! L’objectif, c’est d’atteindre les 250 salariés d’ici un ou deux ans. » Lopitz s’est d’ailleurs récemment distingué en recrutant cinq réfugiés ukrainiennes, formées sur des postes d’opératrices.
« Le groupe embauche, insiste Mathieu Pourrillou, par ailleurs président de l’Odace, association qui fédère quelque 130 chefs d’entreprise souletins. Nous sommes attachés à notre territoire et à ce que nos salariés puissent vivre et travailler au pays. Nous essayons de préserver les montées en compétences pour pouvoir évoluer dans une structure qui reste à taille humaine et où le personnel compte vraiment dans l’entreprise. »
« Une vraie culture de l’industrie »
Cet ancrage territorial, ce subtil dosage entre compétitivité et bien-être des salariés, l’entrepreneur souhaite désormais les décliner à plus grande échelle. Lopitz est en effet l’un des membres fondateurs de Pays Basque Industries, jeune association lancée en mars dernier autour d’une quarantaine d’entreprises industrielles. « L’association a pour ambition de fédérer, de constituer un large réseau et de travailler avec la Communauté d’agglomération Pays Basque sur les projets économiques d’un territoire qui possède une vraie culture de l’industrie », explique Mathieu Pourrillou.
Hubert Candelé a lui aussi choisi d’engager son entreprise, Bastidarra, dans l’aventure de Pays Basque Industries, au nom du « partage d’expériences et de la mutualisation de moyens et de compétences ».
Il y a douze ans, ce fils de producteurs de lait de brebis à La Bastide-Clairence, décide de quitter le monde de l’agroalimentaire pour créer sa laiterie artisanale à Bardos. « Fonder mon entreprise a été pour moi un acte militant et politique, indique-t-il. Je voulais donner du sens à la relation agriculture-agroalimentaire, mais aussi apporter de la transparence et du goût ». Une quête de sens couronnée de succès : « j’ai commencé avec un employé, nous sommes aujourd’hui plus de 40, avec également une quinzaine d’emplois indirects ». Bastidarra collecte son lait au sein de dix exploitations agricoles locales pour la majorité détentrices du label Haute Valeur Environnementale (quatre de brebis, quatre de vache et deux de chèvre) et produit des yaourts sous les marques Ekia pour l’hôtellerie et la restauration, les fromageries et les crémeries, Ibaski pour la grande distribution et les collectivités, et la dernière-née Ttikia, spécialement créée pour l’enseigne Grand Frais.
« Attirer de nouvelles compétences »
« Les circuits courts sont aujourd’hui à la mode, nous cela fait douze ans que nous sommes engagés dans cette voie, revendique Hubert Candelé. Et il n’existe pas beaucoup de laiteries dont une partie du capital est détenue par des exploitations agricoles et qui sont capables de dire d’où vient précisément leur lait, depuis quelle ferme jusqu’à tel pot de yaourt. »
Pour se donner les moyens de ses ambitions, la laiterie, avec le soutien de la CAPB, s’est dotée en octobre dernier d’un nouveau site de production de 3 000 m2. Coût de l’investissement : 5,5 millions d’euros. « Notre avenir et notre mission sont clairement définis : pérenniser et valoriser les ressources de notre territoire pour régaler les gens, poursuit le directeur de Bastidarra. Concrètement, le prix d’achat du lait, ce n’est pas la variable d’ajustement de mon modèle économique. J’ai des exigences sur des pratiques environnementales, sur des pratiques de conduite d’élevage, mais aussi sur les relations de confiance. Ma responsabilité de chef d’entreprise et de citoyen, c’est de mieux rémunérer les producteurs de lait. »
Engagée dans le domaine de la RSE, la laiterie « espère doubler son chiffre d’affaires (5 millions d’euros en 2021, NDLR) et le nombre de ses collaborateurs d’ici cinq ans, mais aussi attirer de nouvelles compétences », indique Hubert Candelé.
Bastidarra, qui produit également des fromages frais, s’est récemment lancée dans la fabrication de desserts, caillé, crèmes aux œufs et mousses au chocolat, et affiche sa farouche volonté de se diversifier à travers des projets pour l’instant… confidentiels. « On peut faire d’autres choses avec du lait, concède Hubert Candelé, on ne met pas tous nos œufs dans le même panier ! » Parole de fils de paysan.