Start-up : quelles règles de gouvernance ?
De la valorisation au comité stratégique en passant par le pacte d’associés et le statut juridique, les start-up obéissent à certaines règles de gouvernance qui régissent les modalités d’accompagnement des investisseurs. Un véritable « contrat de mariage » !
Leur produit ou service se distingue par leur caractère innovant et leur fort potentiel. Mais leur jeune société, au portefeuille de clients encore peu garni, n’a pas les moyens de rembourser un emprunt tous les mois… faute de revenu. Pour les fondateurs de start-up, l’aventure de la quête de capitaux débute.
Les tout premiers investisseurs vont se trouver parmi leurs proches - le principe de « love money » - et parmi les providentiels « business angels » ou les plateformes de financement participatif (« crowdfunding »). Se posent alors les premières questions liées à la stratégie, aux ressources humaines, aux finances et à la maîtrise des risques. Pour une start-up, la mise en place de la gouvernance passe alors par la phase capitale de valorisation. Evaluer sa valeur : un prérequis évident pour entrer dans une période de négociation financière avec de nouveaux investisseurs.
« Attention au niveau de dilution »
Vincent Clabé-Navarre, fondateur de Message In A Window, est familier de ce long processus. Sa plateforme, qui permet d’organiser des campagnes de communication dans les vitrines de magasins, d’hôtels et de restaurants partout en France, a déjà procédé à trois levées de fonds. « Avant l’entrée au capital, il y a toujours une négociation - difficile - autour de la valeur de l’entreprise, développe le président de la start-up biarrote. Du coup, l’argent que va mettre le fonds d’investissement va représenter un pourcentage de la valeur de l’entreprise. Le capital du fondateur est dilué à chaque fois qu’il y a une augmentation du capital. Quand on est fondateur, il faut donc faire attention à son niveau de dilution, c’est-à-dire à ne pas perdre trop rapidement trop de capital. »
La répartition du capital constitue ainsi un principe fondamental en vue de la rédaction du pacte d’associés (ou pacte d’actionnaires). « Signer un pacte d’associés, explique François Lissar, à la tête du bureau luzien du cabinet de conseil Sogeca, cela permet de définir ensemble les modalités de fonctionnement de l’entreprise et surtout les modalités de sortie de l’investisseur. La sortie doit être anticipée avec une temporalité et une valorisation. Le pacte d’associés permet aussi de déterminer la répartition de la gouvernance. Qui dirige l’entreprise ? Quel est le droit de regard de l’investisseur sur le fonctionnement au quotidien ? »
« Le pilote de ma moto ! »
Ces étapes, Simon Dabadie, fondateur et gérant de DAB Motors, les a récemment surmontées avec brio. Basée à Technocité, sa société, spécialisée dans la construction de motos de micro-série entièrement personnalisables en ligne, a finalisé en décembre dernier une levée de fonds de 600 000 €. Menée avec l’appui de l’Agence de Développement et d’Innovation de Nouvelle-Aquitaine (ADI-NA), elle a été réalisée auprès d’Adour Business Angels, Finaqui, Herrikoa, auxquels s’ajoute la participation de la Région Nouvelle-Aquitaine, du Bureau de développement économique et attractivité Adour (BDEA), de Bpifrance et de la Banque Populaire Aquitaine. « L’entrée d’investisseurs présente un enjeu économique parce qu’on est dans des projets de développement commercial qui demandent un investissement financier, détaille le jeune entrepreneur. Pour une première levée de fonds, il était important que je reste majoritaire par rapport à la prise de décisions. Les fonds qui m’accompagnent ne sont pas spécialisés dans mon industrie. Au niveau de la gouvernance, je guide l’entreprise à travers ma propre vision. Je reste le pilote de la moto ! »
Modes de fonctionnement « à la carte »
Si la gouvernance prend forme au sein du pacte d’associés, elle se traduit également par la rédaction de statuts spécifiques. Comme le souligne François Lissar, « ils prévoient la mise en œuvre de différents comités : comité stratégique de gestion ou de contrôle, conseil d’administration ou de surveillance. C’est la raison pour laquelle la forme juridique requise pour les start-up est souvent la SAS, la Société par Actions Simplifiée. C’est une société dont le législateur a donné une grande latitude dans la rédaction des statuts. C’est de la « dentelle » ! On peut rédiger des modes de fonctionnement à la carte. »
Très souvent privilégié, le comité stratégique, qui regroupe l’équipe fondatrice et des représentants des investisseurs, se réunit généralement tous les trimestres pour évoquer les stratégies de développement et de gestion de la start-up. « Ce comité va rentrer directement dans la gouvernance de l’entreprise pour certaines prises de décision, explique Jérémie Leborgne, chargé d’affaires au sein de la société de capital-investissement locale et solidaire Herrikoa. Les fondateurs de la start-up doivent par exemple demander l’autorisation à ce comité pour un emprunt important, supérieur à 100 000 €. »
Sécuriser le capital
Un autre acteur de l’investissement, le fonds commun de placement à risques Newfund Nouvelle-Aquitaine-Euskal Herria (NAEH), qui entre au capital de sociétés basées dans la Région et au Pays basque (nord et sud), assure un rôle d’accompagnateur des pépites locales. « Nous ne sommes pas à leurs côtés pour les bloquer avec des process trop formels, soutient sa responsable du développement Agathe Descamps. Nous mettons par exemple des outils et des experts à leur disposition quand elles ont des questions particulières dans les domaines de l’immobilier, des ressources humaines, du droit du travail et, en cette période de crise sanitaire, des aides et des subventions mises en place par l’Etat. »
Souvent considéré comme un « contrat de mariage », le pacte d’actionnaires a pour principal ambition de sécuriser le capital. Et si gouverner, c’est anticiper, organiser et gérer la société pour assurer sa croissance et sa pérennité, « l’enjeu de la gouvernance dans les start-up, c’est trouver un juste milieu entre la liberté donnée au porteur de projet et le droit de regard de l’investisseur », conclut François Lissar.