« La toile BTP est un formidable prétexte pour amener les acteurs à travailler ensemble »
Quel est l’objectif de la toile BTP développée par l’AUDAP ?
La toile est un outil développé par l’agence d’urbanisme de Dunkerque qui vise à mettre en visibilité un « écosystème » économique sur un territoire. L’objet est d’animer le réseau d’acteurs de cet écosystème pour partager des orientations et enjeux communs : acteurs privés (entreprises) en priorité et acteurs publics (collectivités territoriales, EPCI, Etat…).
L’AUDAP travaille depuis longtemps sur la construction durable, notamment sur le recyclage et l’économie circulaire. Nous avions commencé par travailler sur les déchets du BTP, ce qui nous avait amené à sensibiliser les élus au recyclage, en tant qu’alternative aux matériaux neufs, l’enjeu étant de produire moins de déchets et de réutiliser l’existant.
Avec la toile BTP, on passe un cran supplémentaire. Nous avons choisi de focaliser cette toile sur le béton, qui est aujourd’hui le matériau le plus utilisé, mais aussi le plus polluant. Dès le départ, nous avons placé la démarche sous l’angle de la transition écologique. Petit-à-petit, nous nous sommes aperçus que le sujet majeur, c’était la décarbonation. L’ADEME nous a d’ailleurs soutenus financièrement dans la construction de cette toile du béton.
Comment avez-vous construit cette toile BTP ?
Le point de départ était de connaître l’écosystème autour du béton. Nous avons commencé par recenser les entreprises concernées, les liens entre elles, les chiffres clés sur le béton et la pollution liée. Avec cette base, nous avons ensuite rencontré les entreprises sur l’intégralité de la filière, des gravières et cimentiers jusqu’aux donneurs d’ordre, en passant par les « faiseurs » (béton préfabriqué, toupies à béton). Toutes associées à l’AUDAP, qui anime l’équipe, des structures qui connaissent bien ces entreprises : ODEYS, le cluster construction et aménagement durables de Nouvelle-Aquitaine, ainsi que Nobatek/Inef4, Institut de recherche et d’innovation dans les matériaux et procédés constructifs.
Les entreprises que nous avons rencontrées ont tout de suite saisi l’intérêt de cette toile et d’y participer. Nous avons aussi eu des temps de travail spécifiques avec les bailleurs sociaux qui sont confrontés à la problématique des couts de construction.
Nous avons commencé à tisser notre toile et nous avons réussi à représenter graphiquement cet écosystème. Cela a créé des échanges et une synergie entre les participants. La Toile est un formidable prétexte pour amener les acteurs a travailler ensemble.
Comment avez-vous mis en lien les acteurs représentés dans la toile ?
Nous avons organisé un premier séminaire le 13 mai dernier au sein du générateur d’activités Arkinova à Anglet avec une cinquantaine de participants représentant tous les secteurs de la filière. Plusieurs ateliers ont été proposés pour plancher ensemble sur des solutions de décarbonation. L’un d’eux portait sur la commande publique, pour que les collectivités impulsent des solutions écologiquement acceptables. Un autre atelier a porté sur la décarbonation des matériaux et l’innovation, avec l’idée de faire évoluer la réglementation et les normes assurantielles pour donner leur place à d’autres modes de production du béton, comme le béton de terre par exemple. Un troisième a permis de réfléchir à la question des transports, de l’aménagement de l’espace et de la logistique, afin d’éviter des transports longue distances. Le maillage du territoire, l’utilisation du port de Bayonne pour l’approvisionnement de pièces préfabriquées ou encore la place des plateformes de valorisation des déchets ont été discutés.
Au final, les participants ont dressé les grandes lignes d’actions à mettre en œuvre. Tout début 2023, nous allons rebondir sur ces orientations au travers d’un second séminaire. Nous allons notamment voir avec les participants ce que chacun peut prendre en charge.
Allez-vous poursuivre ce travail sur d’autres thématiques ?
Oui, nous allons travailler sur les matériaux bas carbone, qui sont la suite logique de notre toile puisqu’ils constituent des alternatives au béton. Actuellement, nous n’avons pas de lecture de la réalité des gisements pour alimenter la filière des matériaux bas carbone, qui est en construction. Nous allons commencer par localiser les gisements potentiels, par exemple la capacité à produire du chanvre dans l’espace agricole. Nous allons élargir cette analyse au delà du seul périmètre Pays Basque/ Béarn pour l’étendre à la région Nouvelle Aquitaine.
L’idée est d’identifier les acteurs, les producteurs et d’intégrer les démarches déjà engagées. Nous allons schématiser, territorialiser les gisements potentiels. Ca servira de support pour alimenter les échanges avec les parties prenantes et montrer cette réalité de gisement. Je crois beaucoup à la force de l’image, sur laquelle repose les succès de la Toile BTP.
Ensuite, nous adosserons ce travail à la question des systèmes constructifs, c’est à dire comment utiliser et se servir de ces matériaux. Cela pose notamment des enjeux en matière de formes urbaines mais aussi d’acceptabilité sociale.
Nous travaillons beaucoup avec les acteurs du site technopolitain Arkinova d’Anglet et cette démarche s’inscrit pleinement dans la logique de construction durable et de frugalité. J’ai été frappé par l’engagement des entreprises qui cherchent à intégrer l’économie de ressources dans leur process de fabrication. C’est une lame de fond, portée par la volonté des entreprises.
Il faut aujourd’hui un processus ordinaire de la ville durable. Cette manière de faire doit devenir la norme. Avec la toile, nous sommes dans une dimension encore plus englobante, celle du métabolisme territorial : comment se nourrir des ressources locales pour assurer notre propre développement, dans une dimension écologiquement acceptable. L’enjeu in fine est d’être dans cette logique.
[1] Missionnée par ses 5 membres de droits : l’Etat, la Région Nouvelle-Aquitaine, le Département des PA, les communautés d’agglomération Pays Basque et Pau Béarn Pyrénées