Entrepreneuriat porté par les femmes : le parcours des combattantes
Elles représentent la moitié des actifs mais seulement 30% des créations d’entreprises. Sur le terrain, des associations se mobilisent pour que les femmes puissent prendre leur place dans l’entrepreneuriat.
A quoi ressemble l’entrepreneuriat porté par les femmes dans la région ? Publiée en mars 2019, l’enquête de l’INSEE en Nouvelle-Aquitaine donne quelques pistes. Ainsi, environ un tiers des entreprises (hors micro-entreprises) sont créées par des femmes, souvent plus diplômées et plus jeunes que leurs homologues masculins, essentiellement dans le tertiaire (commerce, santé, services au particulier, services administratif, fonctions supports pour les entreprises). Et si elles ont le même taux de réussite que les hommes (environ 2 entreprises sur 3 sont encore en activité cinq ans après), la sous-représentation persistante des femmes rend encore inatteignable l’objectif de parité à horizon 2020 fixé par le programme d'actions régional pour l'entrepreneuriat des femmes, porté par l’État, la Région et la Caisse des dépôts.
Prendre confiance
« Les chiffres de l’INSEE sont sensiblement les mêmes année après année. Les femmes représentent toujours environ 30% des créations d’entreprises, et 40% des micro-entreprises », confirme Marie-Pierre Arrieta, co-fondatrice et coordinatrice d’Andere Nahia (« volonté de femme »).
Cette association créée il y a 20 ans et basée à Itxassou accompagne chaque année une centaine de femmes dans leur projet de création d’activité, en misant sur le suivi personnalisé et l’entraide. « Nous accompagnons dans un esprit de sororité toutes celles qui ont un projet de création ou de reprise d’entreprise, mais aussi de collectif, de coopérative ou d’association.
Notre levier, c’est de faire prendre confiance aux femmes dans leur capacité à entreprendre, de révéler leur potentiel, en s’appuyant sur l’expérience des adhérentes », ajoute Linda Rieu, chargée de développement d’Andere Nahia. Car la confiance en soi est souvent le premier frein chez les femmes, notamment celles qui étaient jusque là salariées. « Nous avons beaucoup de femmes qui sont en reconversion professionnelle. Or, passer d’un statut de salariée dans une organisation verticale à celui d’entrepreneure ne se fait pas en un éclair. Il faut travailler ce changement de posture », ajoute Marie-Pierre Arrieta.
Ce changement, Virginie Belzanne l’a vécu. Après 15 ans en tant que salariée dans la gestion commerciale, administrative et les ressources humaines, elle s’est lancée en créant son entreprise d’Office Management. « Je ne me sentais plus alignée avec ce système, j’ai donc réfléchi à proposer mes services en tant qu’indépendante. Je n’étais pas encore convaincue mais participer à un groupe d’entraide a été très libérateur. J’ai pris confiance et de fil en aiguille, je me suis rendue compte que j’étais capable d’aller très loin », explique la jeune femme qui partage son temps entre ses clients et l’association. «
Egalité des chances
Confiance en soi, énergie démultipliée, barrières à lever, la création d’entreprise relève, peut être plus encore pour les femmes, du parcours de la combattante.
« L’entrepreneuriat féminin est plus difficile en France. Au delà des tous les freins, les femmes elles-mêmes se bloquent. Nombre de mes étudiantes ne vont pas au bout de leur cursus professionnel ou n’imaginent pouvoir concilier carrière de chef d’entreprise et maternité », s’alarme Cécile Borg. Enseignante en comptabilité à l ‘IUT de Bayonne, la fondatrice et gérante du cabinet Socoex (8 salariés) est l’une des rares femmes Commissaires au Comptes. Elle préside également l’antenne basque de l’association FCE, le plus ancien réseau de femmes cheffes d’entreprise en France, qui agit pour sensibiliser les jeunes à l’entrepreneuriat et à l’égalité professionnelle.
« L’entrepreneuriat se travaille dès l’enfance. Il faut intervenir dans les écoles et arrêter de stigmatiser les filles, de la petite enfance jusqu’à l’université pour que tous, hommes ou femmes, aient les mêmes chances ». Engagée pour faire entendre la voix des femmes entrepreneures dans les mandats patronaux, l’association FCE Pays Basque tisse également des liens de soutien et d’entraide entre les cheffes d’entreprises.
« C’est très important pour rompre l’isolement. Quand on est une femme, il faut faire preuve d’énormément d’énergie et de volonté pour combattre les clichés. Les femmes entrepreneures sont très persévérantes, font preuve de résilience à l’effort et vont au bout des choses. Les obstacles nous donnent beaucoup de force. On ne lâche rien ».
Des financements dédiés
Reste qu’il y a encore du chemin à parcourir pour que l’entrepreneuriat des femmes soit au même niveau que celui des hommes. Et le financement n’est pas des moindres.
« C’est vrai que les femmes ont plus de difficultés à trouver une oreille attentive auprès des banques. L’approche de la création passe souvent par le prévisionnel, un exercice parfois difficile que nous démystifions dans nos ateliers », confirme Marie Pierre Arrieta, d’Andere Nahia.
Au niveau national, les entrepreneures essuient deux fois plus de rejets de demandes de prêts bancaires que les hommes (source : Étude OpinionWay pour la fondation Entreprendre et Axa, 2017). Face à ces difficultés d’accès aux ressources, plusieurs dispositifs existent pour accompagner financièrement les porteuses de projets : la Garantie Egalité Femmes ex FGIG, Fonds de garantie à l’initiative des femmes), de l’organisme France Active qui garantit le(s) prêt(s) des créatrices d’entreprise, les concours et prix consacrés aux femmes créatrices mais aussi les initiatives locales comme le CLEFE, ce système de micro crédit dédié aux femmes, géré au Pays basque par l’association d’animation économique Hemen. Des soutiens financiers qui peuvent s’avérer décisifs pour concrétiser un projet de création d’entreprise.
Des réseaux féminins en Pays Basque
Partager ses expériences, se soutenir mutuellement, être accompagnée, s’ouvrir à d’autres thématiques, souffler… plusieurs réseaux féminins existent au Pays Basque. Tour d’horizon.
Andere Nahia
Créée en 2001 par des créatrices d’entreprise, Andere Nahia accompagne les femmes qui créent une activité indépendante. Basée à Itxassou, où elle gère l’espace de coworking Habia, Andere Nahia accompagne avec bienveillance les porteuses de projets, soutenues par la cinquantaine d’adhérentes de l’association. Andere Nahia intervient également sur des initiatives liées à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, comme la question des mères entrepreneures ou encore l’égalité dans le monde agricole. Andere Nahia intervient également dans le cadre du programme "Entreprendre la Région à vos côtés" pour l’accompagnement des femmes entrepreneures. Toutes les porteuses de projet du Pays basque et du sud aquitain peuvent s’adresser à l’association.
Femmes Chefs d’Entreprise Pays Basque
Le plus ancien réseau de femmes entrepreneures (créé en 1945), aujourd’hui présent sur les cinq continents, compte une antenne au Pays Basque depuis 25 ans. Présidée par Cécile Borg, FCE Pays Basque organise chaque mois une rencontre thématique pour sa quarantaine d’adhérentes, participe à l’inter-réseaux Pays Basque et aux réseaux économiques locaux. L’adhésion se fait sur candidature et est réservée aux femmes chefs d’entreprise (et non aux micro-entreprises).
www.fcefrance.com/delegation/pays-basque-pyrenees-atlantiques
Diriger au Féminin
Créée en 2005 par Nilda Jurado, l’association Diriger au Féminin regroupe plus de quatre-vingt Femmes Chefs d’Entreprises et Cadres Dirigeantes du Pays Basque. Ses adhérentes se réunissent tous les mois autour d’un thème. L’adhésion se fait par marrainage.
Les Simones du Boudoir
Ce réseau féminin est né en 2014 à Biarritz sous l’impulsion de Delphine Franiau, consultante en marketing et communication qui avait créé un réseau similaire à Paris. Les Simones du Boudoir regroupe 45 membres, entrepreneuses mais aussi professions libérales, salariées, sans activité… Son objectif : offrir une soupape dans le quotidien des femmes avec des rencontres mensuelles (intervention d’une personnalité, ciné-débat…) et permettre à ses membres de développer leur réseau.
Femmes 3000 Pays Basque
La fédération Femmes 3000, créée en 1998, s’attache à promouvoir la place des femmes dans la vie publique, économique et sociale par la mise en valeur de leurs compétences et des projets qu’elles portent. L’association compte un bureau au Pays Basque, présidé par Flora Rousseau.
femmes3000.org/blog-pays-basque
Féminin Pluriel
Féminin Pluriel est une association à but non lucratif associant des femmes aux profils divers (chefs d’entreprise, artistes, professions libérales, cadres). Créé en 1992 à Paris Béatrice Lanson-Villat, Sophie de Menthon et Capucine de Fouquières., le réseau s’étend aujourd’hui à plusieurs pays et plusieurs régions, dont le Pays Basque. Ce réseau volontairement restreint, cultive l’esprit d’entraide et le partage d’expérience entre ses membres, qui entrent par cooptation. Le club organise des déjeuners mensuels et des rencontres avec des personnalités inspirantes.
femininpluriel.org/club/feminin-pluriel-basque-coast-i-france