L’intrapreneuriat, moteur d’engagement

Laisser des salariés développer de manière autonome des projets innovants, en interne, tel est le principe de l’intrapreneuriat. Un concept qui ouvre de nombreuses perspectives, de la création de valeur en entreprise à l’accompagnement vers l’entrepreneuriat. Exemples au Pays basque.

L’esprit entrepreneur dans les contours du salariat, voici comment présenter simplement l’entrepreneuriat. Ce néologisme, apparu dans les années 1980 aux Etats Unis désigne une démarche d'entrepreneuriat menée au sein même de l'entreprise. Concrètement, l'entreprise laisse à ses salariés le soin de développer en interne des projets économiques innovants, en leur accordant une large liberté et des moyens dans la mise en œuvre de ces projets. Une manière d’attirer, de fidéliser et de motiver les talents tout en donnant un coup d’accélérateur à l’innovation.

Si cette méthode de management a longtemps été cantonnée à certaines grandes entreprises, avec des exemples marquants (les célèbres « Post It », de la marque 3M ou les applications Gmail et Google Maps proviennent de démarches d’intrapreneuriat), elle se développe de plus en plus dans des entreprises de toutes tailles et de tous secteurs.

Il faut dire que ce mode de management séduit. Selon une étude menée par le cabinet Deloitte en 2017, les deux tiers des salariés sont attirés par les entreprises qui proposent un tel programme. Un chiffre à mettre en lien avec la forte dynamique entrepreneuriale des étudiants qui, pour plus de la moitié, se disent prêts à se lancer un jour dans une démarche d’intrapreneuriat (sondage IFOP pour Allianz, 2019).

Créer de la valeur pour l’entreprise

L’intrapreneuriat est souvent présenté comme une méthode qui favorise l’innovation et la création de valeur au sein d’une entreprise. Il suffit de se rendre chez Olaian pour s’en rendre compte. La marque surf du groupe Décathlon, qui compte 70 collaborateurs au sein du centre d’innovation d’Hendaye, fonctionne déjà selon les codes de l’intrapreneuriat. « Chez nous, l’intrapreneuriat repose sur plusieurs principes. D’abord, la responsabilité doit être exercée dans un cadre déterminé dans lequel peut s’exprimer la créativité. Ensuite, le principe de subsidiarité, c’est à dire que la décision doit être prise au plus près de sa mise en œuvre pour amorcer un cercle vertueux. Enfin, le droit à l’erreur. Avoir autant de responsabilité peut être stressant. Or, se tromper fait partie de l’apprentissage et s’avérer positif si on comprend l’erreur et on la corrige », explique Stéphane Saigre, directeur de la marque Olaian.

Chez Olaian, les salariés sont organisés en cinq groupes autonomes, associant toutes les compétences nécessaires (chef de produit, design, ingénierie, prototypage, commercialisation) pour développer des produits dans des domaines bien déterminés (surfeur homme, surfeuse femme, junior, planches, accessoires avant et après la pratique). Chaque groupe est libre de ses décisions et peut aussi constituer autour de lui un écosystèmes de prestataires et partenaires pour mener à bien son projet. Une recette qui s’avère payante. « Ces cinq groupes fonctionnent comme des start-ups au sein d’Olaian. Avec cette méthode, nos équipes sont concentrées sur un segment défini et cela se traduit par une montée en gamme de nos produits. Nous sommes les « champions du monde » des débutants, ce dont nous sommes évidemment très fiers, mais nous proposons aujourd’hui des produits de plus en plus techniques qui s’adressent à des praticiens confirmés. L’objectif a été relevé par les équipes  ».

Préparer une reprise

En mettant l’accent sur l’autonomie et la responsabilité, l’intrapreneuriat peut aussi amener les salariés à devenir de véritables chefs d’entreprise. Cette démarche se révèle particulièrement pertinente pour préparer une reprise d’entreprise. Grain de Soleil, entreprise spécialisée dans le commerce de produit bio en est un parfait exemple. Si la PME basque est aujourd’hui gérée en SCOP par ses salariés, ce passage de flambeau s’est fait sous le principe de l’intrapreneuriat. « C’était la volonté de Jean-Marc Bily, le précédent propriétaire de Grain de Soleil. Lorsqu’il a repris l’entreprise en 2013, il a rapidement mis en place un management participatif dans le but de nous transmettre ensuite l’entreprise. Au fil des années, il nous a laissé prendre des responsabilités et des initiatives », explique Delphine Watteau, gérante de la SCOP Grain de Soleil. Comme la création de Petit Grain, une épicerie vrac sur la zone du Forum à Bayonne, un projet entièrement pensé, piloté et mené par les salariés de Grain de Soleil. « Petit Grain a été l’occasion de nous tester sur tous les aspects de l’entrepreneuriat ». Un véritable laboratoire d’idées et de projets avant le passage en SCOP, effectif depuis novembre 2020. Et la dynamique équipe (17 associés sur les 21 employés de l’entreprise) ne s’est pas arrêtée là en inaugurant quelques mois  plus tard une nouvelle adresse, les Comptoirs de la Bio Iraty, à Biarritz. « Au moment de la reprise de l’entreprise en SCOP, une opportunité s’est présentée, celle de reprendre un commerce sur la zone d’Iraty. L’ensemble de l’équipe s’est mobilisé sur ce projet », ajoute Delphine Watteau. Si cette troisième adresse est pour le moment la propriété de la SCOP Grain de Soleil, elle pourrait aussi se transformer elle-même en SCOP gérée par l’équipe qui la fait vivre au quotidien. Une manière pour Grain de Soleil d’essaimer l’esprit coopératif et intrapreneurial. 

Passer de salarié à entrepreneur

L’intrapreneuriat peut aussi amener à la création de nouvelles entreprises. Certains cas sont emblématiques au niveau national, comme la marque de yaourts Bio « Les 2 Vaches », née au sein du groupe Danone ou Wojo, le réseau d’espace de travail et de coworking imaginé par des intrapreneurs du groupe Bouygues. Mais de tels projets ne naissent pas seulement dans les grandes entreprises. Preuve en est avec Adaxis, une start-up créée en janvier 2021 par Henri Bernard et Guénolé Bras, avec deux associés suédois. Sa particularité ? être issue d’un projet de recherche européen menée par les deux ingénieurs, alors salariés de l’ESTIA, au sein de la plateforme Addimadour. « Le projet de recherche SoftDreams a démarré en janvier 2020. Nous avons monté un consortium d’entreprises pour répondre à une question majeure : quel logiciel créer pour fabriquer les pièces de demain ? L’objectif était de développer un logiciels de fabrication assistée par ordinateur qui permet d’effectuer de l’impression 3D de grande dimension avec des robots déjà existants.  A la fin de l’année 2020, le prototype logiciel était opérationnel, le business plan et l’étude technico-économique bien avancés. Nous avons donc décidé de transformer ce projet de recherche en entreprise. Début 2021, nous avons tout repris de zéro pour être en mesure de nous adresser au marché », précise Henri Bernard. Lauréate cette année du fonds de prêts d’honneur ESTIA Start, un prêt à taux zéro qui aide à passer le cap critique de l’amorçage, Adaxis devrait officiellement lancer la commercialisation de sa solution logicielle début 2022, après une phase de test et d’amélioration menée avec des industriels partenaires. Et les perspectives sont prometteuses pour ce logiciel qui permet de mettre en œuvre des méthodes de fabrication plus agiles, loin des systèmes actuels très standardisés. « Notre logiciel ouvre la voie à la relocalisation en Europe d’unités de production plus petites, plus flexibles et plus agiles qui vont produire à la demande des pièces à grande valeur ajoutée, en utilisant notamment des matériaux bio sources ou recyclés », ajoute l’entrepreneur, heureux de passer à cette nouvelle étape professionnelle. « Avec mon associé, nous avons été étudiants à l’ESTIA, puis ingénieurs de recherche. Aujourd’hui, nous sommes entrepreneurs, toujours dans cet écosystème ». Un cycle vertueux !

 

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