« Un outil d’intelligence économique »

Plus de 100 000 marques ont été déposées en 2020 en France, un record malgré la crise sanitaire et une économie ébranlée. Pourtant, les enjeux de la propriété intellectuelle, vecteur d’une image innovante, sont trop souvent méconnus des entrepreneurs et des entreprises. 

Le compteur de l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) les égrène en temps réel : plus de 10,5 millions de brevets, 6,3 millions de marques et 1,3 million de dessins et modèles sont aujourd’hui déposés en France. En moyenne, chaque année, notre pays enregistre un peu plus de 15 000 dépôt de brevets.

Institutionnalisée pendant la Révolution française, la propriété industrielle constitue l’une des deux branches de la propriété intellectuelle, avec la propriété littéraire et artistique - les fameux droits d’auteurs. Mais elle seule dispose d’un office dédié, l’INPI, établissement public à caractère administratif et « gardien du temple » des marques et brevets. Hélène Gros en est la déléguée territoriale Sud Nouvelle-Aquitaine : « Avec l’INPI, on dispose d’un outil qui va nous permettre de pouvoir interdire ou menacer d’interdire à quiconque de « rentrer » dans sa propriété. On peut d’ailleurs faire l’analogie avec la propriété immobilière : ne pourra habiter mon appartement que celui que j’autorise à le faire, soit parce que je vends mon appartement - je peux vendre mon brevet -, soit parce que je le loue - c’est une licence -, ou alors parce que je l’habite moi-même quand j’exploite mon titre. Donc quand on dit « protéger », c’est se préserver un avantage concurrentiel, détenir un outil qui me permet de négocier et de choisir qui a le droit d’exploiter mon invention ou ma marque. »

La recherche d’antériorité 

Mais avant d’envisager de protéger son idée, son invention ou son produit, un porteur de projet ou un entrepreneur doit d’abord vérifier s’il a le droit de déposer, le droit de faire ! Vérifier ce qui existe déjà nécessite donc d’effectuer des recherches documentaires et de consulter les bases de données (1). C’est ce qu’on appelle la recherche d’antériorité. Et c’est l’une des missions de Laurent Fantin, fondateur de la société de conseil en propriété industrielle Allici et familier de l’écosystème de la Technopole Pays Basque. « En amont, explique-t-il, j’essaye d’éclairer et d’indiquer aux sociétés si ce qu’elles envisagent de faire peut être librement fait, c’est-à-dire qu’elle ne risque pas une action en contrefaçon. Ça ne sert à rien d’investir 500 000 € si, en consultant les bases de données du brevet, vous avez déjà la solution ! Faire de la veille, ça permet d’éviter de réinventer la roue ! »

Sur le site technopolitain Créaluz, à Saint-Jean-de-Luz, l’équipe de Vracoop connaît très bien les enjeux de la propriété industrielle. Cette jeune société, qui crée des solutions physiques et numériques pour faciliter la vente en vrac afin de réduire l’usage des emballages jetables, a déposé sa marque, mais aussi Mayam, sa nouvelle marque commerciale orientée vers les grandes enseignes. Elle a aussi déposé plusieurs brevets, dont un à portée internationale, pour ses silos et bacs.

 « Un gage de sérieux »

« L’intérêt, quand on est une jeune structure, explique son dirigeant Sébastien Leflond, c’est d’arriver sur un marché avec un produit dont la propriété industrielle est protégée. Par rapport à la concurrence, c’est éviter que 94% des gens aient envie de vous copier quand ils vous croisent sur les salons, où quand vous en parlez… 5% qui vont quand même essayer de vous copier et 1% qui, in fine, y parviendra, parce qu’il ne trouvera pas à vous copier, mais à détourner. Dans tous les cas, ça permet surtout de gagner du temps, mais aussi de gagner en crédibilité sur le marché - un produit breveté est un gage de sérieux - et auprès de l’ensemble de ses partenaires industriels. »

« Quand vous innovez, ajoute Laurent Fantin, vous allez dépenser de l’argent, des capitaux-risqueurs vont peut-être miser sur vous, les collectivités vont vous aider, mais, si à la fin vous ne vous protégez pas, quand vous allez commercialiser votre produit, des concurrents vont pouvoir faire la même chose sans même avoir investi en R&D. Le brevet va vous permettre de les en empêcher. »

 « Une stratégie indispensable »

L’INPI enregistre en moyenne chaque année plus de 15 000 dépôts de brevets. Signe de vitalité et de dynamisme économique de notre territoire, les Pyrénées-Atlantiques sont le deuxième département de Nouvelle-Aquitaine, derrière la Gironde, à avoir enregistré le plus de demandes de brevets en 2020, plus d’une centaine, avec une progression de près de 70% en un an (+ 68% depuis 2017). « La propriété industrielle permet de gagner des parts de marché, d’aller à l’international, de faire de la veille, d’avoir un outil pour négocier quand on signe des contrats, soutient Hélène Gros. C’est un outil d’intelligence économique. Cela permet aussi de se constituer une image innovante, c’est un outil de communication. »

« Il faut, face au brevet, qu’il y ait une réalité commerciale, juge de son côté Sébastien Leflond. Vous pouvez faire la plus belle innovation, le plus beau brevet, s’il n’y a pas de sens économique derrière, il faut rapidement ne pas le prolonger. Le brevet est là pour entériner l’acteur derrière la solution. Il permet de vous faire reconnaître en tant que jeune structure sur un nouveau marché. C’est plutôt une stratégie indispensable, pour les produits physiques en tout cas. »

(1) DATA INPI, sur le site internet de l’INPI, regroupe les bases de données entreprises, marques, brevets et modèles.

Lauréate du prix de l'éco-innovation, l’association AIMA va équiper son tout nouvel atelier de réparation d’une imprimante 3D, grâce au soutien de la...

En savoir plus

La Communauté Pays Basque soutient la Chaire Constructerr qui cherche à valoriser la terre crue comme matériau de construction. Lancée en juillet...

En savoir plus