Vers un numérique plus responsable
Longtemps passé sous les radars de la réflexion sur les enjeux de sobriété, le numérique a pourtant un impact écologique considérable, qui représente aujourd’hui, au niveau mondial, deux à trois fois le bilan carbone de la France. Un impact qui doit être minimisé, pour tendre vers un numérique responsable.
« N’imprimez pas cet email pour préserver la planète ». Si ce geste est aujourd’hui bien connu, on est longtemps passé à côté de l’impact écologique du numérique en lui-même. Synonyme de moins de consommation de papier, de déplacements économisés, mais aussi d’accès illimité aux informations, d’amélioration des échanges, de communication instantanée, le numérique a longtemps rimé avec progrès et modernité. Et la crise du Covid-19 a encore amplifié le caractère indispensable du numérique, qui a permis le maintien du télétravail, de l’école à la maison mais aussi du lien social entre proches.
4% des émissions de GES dans le monde, vers le double en 2025
Pour autant, si le numérique est immatériel, ses impacts sur l’environnement sont eux bien réels. Selon le groupe de réflexion The Shift Project, le numérique a émis en 2019 4 % des gaz à effet de serre du monde et cette part pourrait doubler d’ici 2025. Or, le secteur est encore peu impliqué dans le mouvement en faveur de la sobriété. « Ces dernières années, tous les acteurs industriels ont fait d’importants progrès dans la conception, comme on peut le constater par exemple dans l’automobile, où les voitures consomment deux fois moins qu’il y a 20 ans. Seul le numérique y échappe encore. L’image d’un secteur éthéré, sans consistance physique, rend difficile le lien entre numérique et impact carbone. Pourtant, le numérique produit de la dégradation carbone, mais aussi d’autres dégradations irréversibles sur la consommation d’eau, de matières premières épuisables et de traitements chimiques qui génèrent une pollution conséquente », constate Denis Didier, chef de Projet du Référentiel Conception Responsable de Services Numériques à l'Institut du Numérique Responsable (INR). Cette association fédère depuis 2018 plus de 80 entreprises et organisations de toutes tailles qui s’engagent pour un numérique respectueux de l’environnement, inclusif, solidaire et éthique. Auteur d’une « Charte Numérique Responsable » à laquelle ont adhéré plus de 130 entreprises et collectivités depuis 2019, l’INR se mobilise également pour former les acteurs économiques au numérique responsable. C’est ainsi que l’association a lancé en 2021 avec la Région Nouvelle Aquitaine le programme « Ambassadeurs numérique responsable ». Une expérimentation qui a pour but de sensibiliser à la pollution numérique et d’accompagner le changement, à laquelle participent la Communauté d’Agglomération Pays Basque et le Cluster Pays Basque Digital (lire-ci-après).
Boucle de recyclage au Pays basque
Pour le cluster basque basé à la Technopole Izarbel de Bidart, qui regroupe une soixantaine d’entreprises représentant 1500 salariés, cette formation vient apporter une nouvelle pierre à l’engagement pris depuis plus d’un an en faveur du numérique responsable. « En janvier 2020, après avoir reçu Frédéric Bordage, fondateur de GreenIT et expert du numérique responsable, nous avons créé un groupe de travail interentreprises « numérique et environnement » pour plancher sur le sujet. Ce groupe a mené une enquête auprès des adhérents sur leur utilisation de matériel et ce travail a abouti à la mise en place d’une boucle vertueuse de recyclage », explique Marie Jo Burucoa, présidente du Cluster Pays Basque Digital. L’objectif ? Sensibiliser sur le nécessaire allongement de la durée des matériels tout en donnant une nouvelle vie aux ordinateurs, imprimantes ou smartphones délaissés. « Nous venons de lancer une collecte de ces matériels auprès de nos adhérents, que nous confions à notre partenaire, l’organisme de formation Simplon.Co. Les étudiants techniciens informatique et réseaux sont chargés d’ouvrir, réparer et reconditionner le matériel avant de le donner à des associations du Pays basque qui oeuvrent à réduire la fracture numérique dans le territoire et aider les personnes en situation d’« illectronisme », poursuit la Présidente du Cluster Pays Basque Digital. Une opération d’autant plus importante que la consommation de matériel électronique pèse lourd dans la facture écologique du numérique : les terminaux représentent en effet les deux tiers de l’impact carbone du secteur. Et 75% des déchets électroniques ne sont pas recyclés.
Revenir à du bon sens
Si l’allongement de la durée de vie des matériels et la sobriété dans la consommation de nouveaux smartphones ou ordinateurs est le préalable nécessaire à la réduction de l’empreinte carbone, ce n’est pas le seul levier à prendre en compte. Pour les acteurs du numérique, il s’agit aussi de repenser leur approche métier. « Nous devons nous former à l’éco-conception numérique, c’est indispensable. Nous travaillons d’ailleurs au sein du cluster à proposer une offre de formation dédiée à cette problématique pour nos adhérents, avec le soutien de l’Etat et de la Région », précise Marie Jo Burucoa. « Il s’agit simplement de revenir à du bon sens. Rappelons nous que seulement 70 ko ont été nécessaires pour envoyer des hommes sur la lune. C’est aujourd’hui le poids d’un simple email. Nous devons passer à une logique plus contrainte, mais qui ne bride en rien la créativité et l’innovation ». Au sein de sa société de services numériques Novaldi à Bidart, elle applique déjà ces principes. « La sobriété numérique va devenir une tendance lourde. Les logiciels, sites web et applications mobiles seront pensés dans un souci de sobriété numérique. Cela passe par optimiser le codage, limiter les contenus et photos des pages, afin d’afficher des temps de réponse optimisé et réduire notre besoin d‘utiliser des appareils plus performants. Cela implique aussi une réflexion sur la relocalisation et le développement en circuits court des prestations numériques, comme on peut le voir au Pays basque avec des entreprises qui proposent des solutions de réseaux locaux, de fibre locale, de data center local. Mais cela nécessite aussi de sensibiliser les clients, en phase de conception ».
Repenser les usages
Car les entreprises du numérique ne sont pas les seules à porter le poids de l’impact environnemental numérique. Les usages des particuliers comme des entreprises utilisatrices ont un rôle important dans la marche vers un numérique responsable. Alors que les pratiques gourmandes en énergie explosent, entre photos et vidéos démultipliées, streaming intensif et utilisation massive des vidéoconférences, c’est notre rapport à un numérique omniprésent dans nos vies qu’il faut questionner. Telle est justement la mission que l’ANTIC (agence de développement des usages numériques du Pays basque) s’est fixée en adoptant une feuille de route Numérique Responsable pour la période 2021-2023. Son objectif ? Accompagner les acteurs de la société civile vers la transition du numérique responsable, diffuser les bonnes pratiques et lancer des expérimentations sur le territoire. La prochaine édition des Rencontres Numériques Pays Basque organisée par l’association les 1er et 2 juillet 2021 à l’Estia sera d’ailleurs consacrée aux actions concrètes à mener pour un numérique responsable, au travail comme à la maison.
Des ambassadeurs du numérique responsable en Nouvelle Aquitaine
« La crise sanitaire l’a montré, le numérique est un levier de résilience de nos sociétés. Il convient d’avoir une réflexion sur son utilisation de manière utile et raisonnée. Une feuille de route pour le numérique responsable a été conçue de manière horizontale avec les acteurs régionaux ayant une expertise forte, afin de développer une filière numérique responsable et repenser les usages », explique Arnaud Pinier, chargé de mission Délégation Numérique à la Région Nouvelle-Aquitaine.
Dans ce cadre, plusieurs dispositifs sont engagés et une formation des « Ambassadeurs du numérique responsable » a été lancée avec l'Institut du Numérique Responsable (INR), pour accompagner la montée en compétences des acteurs économiques et institutionnels.
Pour la Communauté Pays Basque, Marion Bedat, chargée de mission Services et industries numériques, suit cette formation, avec l’objectif de pouvoir, ensuite, favoriser le déploiement de bonnes pratiques et catalyser les innovations sur le territoire.
Contact : Marion Bedat : m.bedatcommunaute-paysbasque.fr